3 minutes à méditer

Christophe André

Extraits de « 3 MINUTES  À MÉDITER » (L’iconoclaste)

ANGOISSES, INQUIÉTUDES ET RUMINATIONS

L’esprit humain est merveilleux. Il nous permet de réfléchir, de conceptualiser, de nous projeter dans le futur, de revenir sur le passé. II nous permet d’imaginer des choses qui n’existent pas, de construire des univers virtuels à partir de tout petits bouts de réel.
C’est merveilleux lorsque tout va bien. Mais ces mêmes capacités peuvent aussi nous entraîner dans des torrents d’angoisse. Leur aptitude à nous projeter dans un futur qui n’existe pas encore (et qui n’existera peut-être jamais) et à revenir inlassablement sur les événements passés peut nous détruire si elle est détournée et asservie par notre anxiété.
Voici une manière possible de traverser ses inquiétudes. . .

CONSEILS

· L’anxiété n’est pas un délire, mais une amplification et un emprisonnement. Certes, les points de départ de nos inquiétudes se situent bien dans le réel, mais si l’angoisse s’en saisit, elle nous entraîne alors dans le virtuel, le virtuel des déformations et des dramatisations, puis celui du désespoir. Nous pouvons dans ces moments perdre quelque temps tout contact avec le monde et la raison.
· Alors, il faut juste commencer par revenir dans le réel, pour nous accorder un premier temps d’apaisement et de recul. Le réel, c’est notre souffle, notre corps, les sons, et l’univers de l’instant présent. Le réel, c’est la cellule de dégrisement pour nos angoisses, ces cuites d’affolements et d’inquiétudes. Le réel, le concret, c’est ce qui va nous arracher au torrent de l’anxiété où nous sommes en train de nous noyer.

BIENVEILLANCE AVEC SOI

Qu’est-ce que l’autobienveillance?
Ce n’est pas de l’égocentrisme (qui consiste à toujours tout ramener à soi), ce n’est pas non plus du narcissisme (qui consiste à toujours commencer par soi), ce n’est pas davantage de l’autocomplaisance (qui consiste à se donner toujours des excuses). L’autobienveillance, c’est simplement faire preuve de respect pour soi, de douceur avec soi, notamment lorsqu’on souffre. Comment s’évalue l’autobienveillance ? Sans doute à notre réaction quand nous venons de vivre une blessure de l’ego : un échec, un rejet. Que se passe-t-il alors ? Est-ce que nous nous abandonnons à des réactions d’autoagression et d’autopunition, de colère contre nous-mêmes? Est-ce que nous nous livrons à l’autocritique, l’abattement, l’isolement, la prostration?  Autant de manières de nous faire du mal en nous coupant des sources de réconfort. Ou bien éprouvons-nous un désir de douceur,  de consolation,  de réparation ?
Quand un enfant tombe, se blesse et pleure, par quoi commençons-nous ? Par le réprimander et lui faire la leçon ? Ou par le consoler, le rassurer et le soigner?
L’autobienveillance, c’est cela : lorsque nous sommes blessés, d’abord nous consoler, nous apaiser, nous réparer ; avant de nous corriger pour éviter de retomber dans les mêmes pièges. Et ne jamais nous faire de mal, jamais : la vie s’en occupe.

CONSEILS

· Le message de l’autobienveillance, c’est qu’il est inutile de s’infliger une double peine : la vie se charge de nous envoyer la première flèche, car, l’origine, c’est bien le réel qui nous blesse une première fois. Inutile d’ajouter une seconde blessure, une seconde peine, en nous malmenant, en nous agressant, en nous critiquant, ou en ignorant nos besoins de consolation et de réparation.
· Prendre soin de soi est alors le meilleur moyen pour ne pas rester bloqué dans la plainte, la rumination ou le ressentiment, qui nous éloignent de toute forme de réparation, de consolation et d’action lucide.
· Vivre en amitié avec nous-mêmes nous aide ainsi à vivre en amitié avec le  monde.

TELOS ET SKOPOS

Imaginez un archer qui ajuste son tir pour atteindre une cible. D’après vous, à quoi doit-il s’attacher le plus? A vouloir à tout prix atteindre la cible? Ou bien à s’efforcer de réussir au mieux le geste de son tir?
Depuis l’Antiquité, les philosophes, et notamment les stoïciens, recommandent à l’archer de s’attacher davantage à l’accomplissement du geste plutôt qu’à l’atteinte du résultat, au telos plutôt qu’au skopos. Skopos, en grec, c’est l’atteinte de la cible. Telos, la perfection du geste.
Le skopos, résultat de nos actions, ne dépend pas que de nous : il peut y avoir un coup de vent, un bruit qui nous fait sursauter, et notre flèche passera à côté, même si nous avons bien visé. Le telos, en revanche, la qualité de nos efforts, dépend de nous : nul autre que nous ne peut respirer lentement, tendre son arc en veillant à ne crisper aucun muscle, stabiliser l’œil de son esprit sur la cible, là-bas,  au loin.
Pouvons-nous cultiver cet  état d’esprit?

CONSEILS

· Lorsque nous arrêtons le cours de notre vie pour méditer, nous ne visons pas un objectif particulier (nous détendre, faire le vide dans notre tête), mais nous nous attachons à bien faire ce qui nous est demandé par la méditation elle-même : nous rendre présents à notre souffle, à notre corps, aux sons, observer le passage des pensées. Nous savons alors que tout ce qui doit advenir viendra. C’est facile de le comprendre, mais difficile à mettre en œuvre, surtout si les résultats nous tiennent à cœur. La méditation peut nous aider à nous rapprocher de cette sagesse.
· Quand nous sentons monter en nous l’obsession de la performance, asseyons-nous, respirons, ressentons les crispations du corps et de l’esprit trop fortement tournés vers l’atteinte du résultat, vers le skopos. Et amenons doucement au centre de notre attention le telos, tout ce que nous avons à faire pour qu’advienne ce que nous espérons.
· II n’y a rien à réussir, il n’y a qu’à agir de notre mieux. Puis lâcher tout cela,  pour respirer, sourire, et vivre.