S’éveiller au silence

Jean Bousquet

Extraits de « S’ÉVEILLER AU SILENCE » (Éditions L’Instant Présent)

VAINCRE L’ÉGOCENTRISME

Vaincre l’égocentrisme ne signifie pas cultiver l’altruisme, mais ne plus limiter la conscience et la perception que nous avons de nous-même et d’autrui au seul « moi-je » et à ses affirmations.

L’altruisme peut être le signe d’une belle qualité d’âme issue d’une réelle victoire sur l’égoïsme et ses conséquences ; mais il peut également représenter une des affirmations privilégiées de notre « moi-je » fermé à tout ce qui dépasse sa conception et sa perception du bien et du mal, de lui-même et du monde. Ce qui constitue pour un être un signe de guérison spirituelle, peut-être pour un autre un symptôme de maladie.

Le « moi-je », limité et dur comme fer, n’est pas seulement mauvais et égoïste : il est en fait formé d’un mélange de bien et de mal, d’égoïsme et d’altruisme, dont le dosage est différent pour chaque individu. La présence d’une quantité même impressionnante de bonté et d’altruisme dans un être, ne signifie pas nécessairement que cet être est ouvert à l’Amour universel qui dépasse sa conscience ordinaire de lui-même et de l’existence. L’altruisme peut aussi être source d’orgueil, de suffisance, de conscience hypertrophiée de soi-même, de même que d’agressivité et d’intolérance contre tout ce qui semble s’opposer aux nobles causes que l’on défend.

L’altruisme est une qualité naturelle ou cultivée ; l’égoïsme, un défaut inné ou acquis. L’égocentrisme, c’est-à-dire le fait de tout ramener à notre seule vision du monde et de la Vie, à nos conceptions, sympathies et antipathies, est une « maladie » qui touche aussi bien les individus de type « altruiste » que ceux du type « égoïste ». Pour saisir l’Essentiel, pour être saisi par Lui, peu importe à quelle catégorie nous appartenons. Ce qui compte réellement dans cette démarche, est notre capacité intérieure à nous abstraire de nous-même, de notre catégorie avec les
pensées, les sentiments et les comportements qui en découlent automatiquement, pour nous ouvrir à la Présence universelle, à la fois extérieure et intérieure à notre être, dans l’Unité de laquelle ne peuvent subsister aucune catégorie, aucune séparation d’aucune sorte.

On ne peut comprendre vraiment autrui qu’en acceptant tout d’abord ce qui est « autre » en nous-même. On ne peut aimer vraiment autrui qu’en s’ouvrant à ce qui est « autre », en lui comme en nous. On ne peut aider vraiment autrui sans avoir déjà reconnu ce qui nous dépasse tous deux, et nous unit.